Pas besoin d’être souple pour faire du yoga

Quand on évoque le yoga, beaucoup de personnes imaginent immédiatement des corps ultra-flexibles capables de réaliser des postures impressionnantes : écarts, torsions et contorsions. Ce cliché décourage parfois ceux qui pensent : “Je ne suis pas assez souple, donc le yoga n’est pas pour moi.”

En réalité, c’est tout le contraire. La souplesse n’est pas une condition préalable pour pratiquer le yoga : c’est une conséquence possible de la pratique. Le yoga est avant tout un chemin vers plus de conscience corporelle, de mobilité et d’équilibre, bien au-delà des simples étirements.

“ Il faut savoir que l’essence du yoga n’a rien à voir avec une exhibition extérieure mais avec une éducation et un affinage intérieur. ” B.K.S. Iyengar

En tant que kinésithérapeute du sport, je rencontre régulièrement des patients persuadés qu’ils ne “peuvent pas” faire de yoga à cause de leur raideur. Pourtant, le yoga est justement une réponse douce, progressive et profondément efficace pour améliorer la santé du corps…s’il est bien sûr enseigné correctement, quel que soit son niveau de départ.

La souplesse : un mythe qui éloigne du tapis

On associe souvent yoga et souplesse parce que certaines postures (asanas) semblent spectaculaires. Mais réduire le yoga à des acrobaties est une erreur.

Le yoga est une discipline ancestrale qui vise avant tout l’union du corps et de l’esprit. La posture parfaite n’a jamais été une finalité en soi. Ce qui compte, c’est la qualité de la respiration, de la direction et de la présence dans le mouvement.

Être raide n’est donc pas un obstacle, mais au contraire un point de départ naturel. Chaque personne vient avec son histoire corporelle : un sportif très musclé mais peu flexible, une personne sédentaire, quelqu’un qui a eu une blessure ou qui a perdu en mobilité… Tous peuvent pratiquer, et tous en tirent des bénéfices.

Le vrai objectif du yoga : créer de l’espace

Quand on débute le yoga, on comprend vite que ce n’est pas une question d’atteindre une certaine amplitude. Ce qui importe, c’est de créer de l’espace dans le corps et dans la respiration.

• Cet espace peut être physique : relâcher des tensions musculaires, gagner en mobilité articulaire.

• Il peut être mental : diminuer le stress, calmer l’agitation.

• Il peut être émotionnel : apprendre à accueillir ce qui se passe en soi.

  
  

En tant que kiné, je vois que la mobilité fonctionnelle, celle qui permet de se pencher, tourner ou s’accroupir dans la vie de tous les jours, est bien plus précieuse qu’une souplesse esthétique ou acrobatique. Le yoga aide précisément à développer cette mobilité utile.

Pourquoi le yoga est accessible à tous les corps

Le yoga n’impose pas une forme unique : il s’adapte au pratiquant. Grâce à des variantes et à des accessoires comme les briques, sangles ou coussins, chacun peut trouver la posture qui lui correspond.

En début de cours, je dis toujours : “ Sentez-vous libre de modifier, d’ajuster ou de sortir de n’importe quelle posture, pratiquez pour vous. ”

Un exemple simple : dans la posture de la pince (Paschimottanasana), certaines personnes arrivent à poser leur torse sur les jambes, tandis que d’autres ne touchent pas leurs genoux. Les deux pratiques sont tout aussi ok si elles sont faites avec respect du corps.

Le rôle du yoga est de proposer un cadre bienveillant et progressif, où l’on ne force jamais, mais où l’on apprend à écouter ses limites, sans étirer trop fort en écoutant son égo, ni trop peu par manque de confiance. Chaque pratique est différente car chaque journée se vit différemment, selon notre niveau de fatigue ou d’énergie, qu’elle soit mentale ou physique. 

Les bienfaits du yoga dépassent largement la souplesse

Bien sûr, avec une pratique régulière, beaucoup de personnes deviennent plus souples. Mais limiter le yoga à ce seul aspect serait passer à côté de l’essentiel.

Voici quelques bénéfices concrets, validés aussi bien par l’expérience clinique que par les études scientifiques :

• Amélioration de la respiration : le travail du souffle (pranayama) augmente la capacité pulmonaire, utile aussi bien dans le sport que dans la gestion du stress.

• Renforcement musculaire doux : de nombreuses postures sollicitent la force isométrique, ce qui stabilise et protège les articulations.

• Meilleure posture et prévention des douleurs : en travaillant l’alignement, le yoga aide à réduire les tensions chroniques, notamment au niveau du dos et des cervicales.

• Gestion du stress et de l’anxiété : la combinaison respiration + mouvement + concentration active le système parasympathique, favorisant détente et récupération.

• Mobilité et équilibre : essentiels au quotidien et particulièrement précieux pour les sportifs comme pour les personnes vieillissantes.

  
  

Autrement dit, le yoga est un outil de santé globale, pas seulement un moyen de devenir plus flexible.

Le yoga est même particulièrement indiqué pour les personnes raides : en travaillant régulièrement, elles améliorent leur mobilité, leur confort articulaire et leur liberté de mouvement au quotidien.

À l’inverse, les personnes déjà très souples ont un autre défi : apprendre à conscientiser leurs limites et à engager leurs muscles dans les postures. Sans cette vigilance, elles risquent de tomber dans leurs structures passives en fin d’amplitude articulaire, ce qui peut fragiliser leurs articulations à long terme.

Yoga et sport : une synergie puissante

En tant que kiné du sport, je recommande souvent le yoga aux athlètes, qu’ils soient amateurs ou professionnels. Pourquoi ? Parce qu’il complète parfaitement la préparation physique classique.

• Le travail de souplesse active et de mobilité permet d’optimiser les gestes sportifs.

• La conscience corporelle améliore la technique et diminue les risques de blessure.

• Le calme mental favorise la concentration et la récupération.

Et là encore : peu importe la souplesse de départ. Beaucoup de sportifs très performants sont relativement “raides”, et pourtant le yoga peut leur apporter un équilibre précieux.

Comment débuter quand on n’est pas souple ?

La clé est de débuter progressivement, sans se comparer et sans chercher la performance. Voici quelques conseils pratiques :

1. Choisir un style de yoga adapté : le Vinyasa est un yoga dynamique plus ou moins intense suivant le cours et le prof.

2. Utiliser des accessoires : ce sont des alliés pour respecter son corps.

3. Se concentrer sur la respiration : même dans une posture simple, une respiration profonde et consciente transforme l’expérience.

4. Pratiquer régulièrement, même peu de temps : 10 minutes par jour valent mieux qu’une heure une fois par mois.

5. Accepter l’évolution naturelle : la souplesse, la force, la concentration… viennent parfois vite, parfois lentement, mais l’objectif est le chemin.

Conclusion : le yoga, une rencontre avec soi-même

Le yoga n’est pas une discipline réservée aux corps souples. C’est une pratique universelle, accessible à tous, qui invite à mieux habiter son corps, à respirer pleinement et à apaiser son esprit.

Être raide n’est pas une barrière : c’est même une excellente raison de commencer le yoga. Les personnes qui pensent ne pas être “faites pour ça” sont souvent celles qui en tirent le plus de bénéfices.

Sur le tapis, il ne s’agit pas d’atteindre une performance, mais de rencontrer son corps tel qu’il est, avec ses forces et ses limites.

“ Mais si vous pensez que la totalité du yoga ne consiste qu’à apprendre à toucher ses orteils, vous passez à côté de l’essentiel de sa générosité, de ses bénédictions et de sa beauté. ” B.K.S. Iyengar

Alors si tu hésites parce que tu te crois “trop raide”, rappelle-toi que le yoga n’attend pas que tu sois souple : il est justement là pour toi, exactement comme tu es !